Psycho
Votre enfant est un amour. Ses sourires vous enchantent, sa peau sent le caramel. Alors comment se fait-il que, depuis quelque temps, il dise « non » ? Non à tout, et non tout le temps. Catherine Dolto, médecin et haptothérapeute, nous éclaire.
À PARTIR DE QUEL ÂGE L’ENFANT DIT-IL « NON » ?
Beaucoup plus tôt qu’on ne croit ! Le bébé sait déjà dire non. Dans sa façon de refuser de dormir ou de manger, par exemple. Ensuite, quand la parole arrive, le « non » surgit. Cela peut commencer vers 11, 12 mois pour certains. Et cela continue jusqu’à ce que l’enfant accède au « oui ». Pour cela, il faut qu’il ait expérimenté le pouvoir de dire non assez longtemps.
C’EST À DIRE ?
La découverte de la marche est une révolution pour l’enfant. Toute sa perception du monde change. Le regard qu’il a sur les choses est transformé. Dans le cadre de cette nouvelle autonomie, il expérimente le « non ».
DONC UN ENFANT QUI DIT « NON », C’EST UN ENFANT QUI GRANDIT ?
Bien sûr. Tout enfant intelligent cherche à comprendre les grandes personnes. Que se passe-t-il quand il dit « non » ? Est-ce qu’elles tombent raides mortes ? Est-ce qu’il y a un tremblement de terre ? C’est passionnant pour lui de voir comment les adultes réagissent. Même quand ils se mettent en colère. Tout expérimenter, cela l’intéresse et l’amuse. Donc il veut recommencer.
FAUT-IL DISTINGUER PLUSIEURS NON ?
Souvent l’enfant dit non en faisant oui. Il ne faut pas oublier que l’enfant n’a pas la même perception du temps que nous. Nous savons comment une journée se déroule. L’enfant n’a pas les mêmes repères. Par exemple, lorsqu’on demande à un enfant de mettre son manteau, il ne comprend pas pourquoi, et dit « non ». Mais quelques minutes plus tard, il l’a mis. Parce que l’enfant veut comprendre à quoi il dit non. Il dit non à un changement brutal d’activité. Si Emma joue avec Ethan et qu’on lui demande de dire au revoir, elle n’est pas prévenue ; elle veut continuer de voir Ethan, donc elle dit « non ». Il faut laisser le temps, prévenir. « Emma, dans cinq minutes, on part. » Il faut comprendre à quoi l’enfant dit non. L’enfant dit « non » pour pouvoir ensuite dire « oui ». Cela signifie qu’il doit faire des choix.
FAUT-IL DONC LAISSER L’ENFANT SE FAIRE SA PROPRE EXPÉRIENCE ?
Oui. Il ne faut pas mettre d’enjeux affectifs dans le « non », entrer dans l’affect, dans les émotions. Un enfant qui refuse de s’habiller le matin et met toute la famille en retard stresse tout le monde. Il ne sert à rien de hurler. Mieux vaut dire à l’enfant que ce n’est pas grave. Il ira à l’école en pyjama ; on met les habits dans un sac en plastique, il s’habillera en classe, on prévient la maîtresse. Or cela, l’enfant ne le veut pas. C’est la même chose pour un enfant qui refuse de manger. Au lieu de le forcer et d’aggraver les choses, mieux vaut enlever son assiette ; il mangera mieux à midi. Il faut savoir contourner le « non ».
COMMENT, EN RESPECTANT L’ENFANT, NE PAS LUI DONNER TROP DE POUVOIR ?
La difficulté dans l’éducation, c’est que les enfants sont des volcans de désirs. Et ils sont beaucoup plus tenaces que les adultes dans leurs désirs. Alors il faut savoir poser des limites et ne pas perdre trop de temps en explications. Celui à qui l’on a déjà expliqué cinq fois qu’on n’irait pas jouer au parc parce qu’il pleut sait très bien pourquoi on lui a dit « non ». On n’a pas à se répéter davantage. « Non, c’est comme ça et tu sais très bien pourquoi. » Les limites doivent être claires et précises. Les négociations ne doivent pas durer. Quand l’enfant se rend compte que ce n’est pas intéressant de dire non, il s’arrête.
Y A-T-IL DES MOTS, DES ATTITUDES QUI CALMENT LE JEU ?
Les parents dramatisent beaucoup. Si l’enfant sent qu’il a du pouvoir, il va en jouer. Il faut donc séparer l’affect des lois du « vivre ensemble ». S’il n’y a pas d’affect, tout se dédramatise naturellement. Si l’on se moque de l’enfant, si on lui dit « tu es méchant », on entre en difficulté avec lui. Il en est malheureux. Le problème est que les parents sont au cœur du sujet et n’arrivent pas à prendre du recul. Il faut oser, et ne pas avoir peur de se tromper. Lorsqu’on a fait une erreur avec un enfant, il est simple de dire : « Je me suis trompée. Tu m’avais énervée, j’ai répondu sans réfléchir. Maintenant j’ai réfléchi, et je pense que voilà la solution. » L’enfant comprend.
ET SI L’ON A DU MAL À PRENDRE DU RECUL ?
Il faut se faire aider. Tout est bon pour ne pas s’éterniser dans une situation. Lire des livres, demander conseil. Aller voir un psychothérapeute ne veut pas dire qu’on ne sait pas éduquer son enfant. Cela peut se résoudre en 2 ou 3 séances. Les gens ne pensent plus qu’ils peuvent juste se faire confiance. Souvent, je demande aux parents : « mais vous, qu’est-ce que vous en pensez ? » et ils me répondent, mais en ajoutant « mais je me trompe sûrement ». On a l’impression que, pour tout problème, les parents sont des petits enfants à qui l’on apprend la vérité. Or, les parents, et les enfants, sont plus intelligents qu’ils ne le croient.