Psycho
Si les séparations parents-enfants sont structurantes pour l’enfant quand elles sont bien orchestrées, elles peuvent également être douloureuses si elles sont prises à la légère. Isabelle Filliozat, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteure d’ouvrages sur la famille*, nous éclaire.
À partir de quel âge pouvons-nous confier notre enfant pour quelques jours de vacances ?
Cela dépend du caractère de l’enfant… et de celui de sa mère ! À elle, donc, d’appréhender ses limites et celles de son enfant. Mais si je dois faire une généralité, disons qu’il est préférable, avant un an, de ne pas laisser votre bébé plus d’une journée. La formation de son système émotionnel n’est pas terminée. Quand il ne vous voit plus, il pense que vous n’existez plus ! Cela peut être source d’angoisse pour lui. Entre un et trois ans, essayez de ne pas le laisser plus d’une semaine, car, même s’il vit mieux vos absences, sa notion du temps est différente de la vôtre. L’idéal est de vivre cette première séparation quand il le réclame, vers 3 ou 4 ans. Ce sont alors des vacances constructives pour lui. Mais si vous n’avez d’autre choix que de laisser votre bébé pendant plusieurs jours, ne culpabilisez pas. En préparant intelligemment cette séparation, tout devrait bien se passer.
Quels sont vos conseils, pour préparer au mieux cette première séparation ?
Expliquez-lui la situation au fur et à mesure. Un nourrisson comprend l’atmosphère générale et absorbe l’émotion de sa mère. Dès que vous savez que vous allez le confier l’été prochain, dites-le-lui. Pas de secret entre vous ! Si vous en éprouvez le besoin, parlez-lui-en de temps en temps. La veille du départ, expliquez-lui le déroulement des opérations : « Après le voyage en voiture, on arrive chez grand-mère. Elle va nous montrer ta chambre ; nous pourrons y installer ton doudou et ta veilleuse. Ensuite, nous déjeunerons tous ensemble. Je repartirai avec papa avant ta sieste. » L’enfant a ainsi des repères : ça le rassure de voir que tout se passe comme vous le lui avez expliqué. Sa mère est maître de la situation !
Devons-nous lui laisser quelques objets en particulier ?
Vous pouvez lui proposer un échange. Lui vous confie un nounours que vous poserez sur votre bureau, afin de penser à lui à tout moment. Et vous lui laissez un T-shirt imbibé de votre odeur ainsi qu’une photo de vous qu’il puisse emporter partout. N’oubliez pas ses affaires : doudou, tétine et biberons, veilleuse, ainsi que ses deux livres et ses deux jouets préférés. Qu’il puisse recréer son petit univers dans cette nouvelle maison.
Quels conseils devons-nous donner à la personne qui le garde ?
Qu’elle observe bien l’enfant, son comportement, son moral. Quand celui-ci demande plusieurs fois par jour : « Où est maman ? », elle doit comprendre que l’enfant n’attend pas comme réponse : « Elle est à Paris, pour son travail », mais : « Je comprends que maman te manque un peu. Veux-tu que nous lui fassions un dessin ? » Elle peut également cocher sur le calendrier, avec l’enfant, les jours qui le séparent des retrouvailles.
Que va-t-il se passer au moment des au revoir ?
Si l’enfant pleure, ne l’en empêchez pas. Pleurer, c’est guérir de la souffrance. Dites-lui que vous comprenez sa tristesse, que vous la partagez… et qu’en même temps vous êtes heureuse pour lui, parce que vous savez qu’il va bien s’amuser. Surtout ne partez jamais sans lui dire au revoir, quitte à devoir le réveiller de sa sieste. Il risquerait de perdre la confiance qu’il a en vous et pourrait bien développer de sérieux problèmes de sommeil quelques mois plus tard.
Qu’est-ce que ça leur apporte, à nos enfants, des vacances sans nous ?
Vivre cette nouvelle liberté les fait gagner en autonomie. C’est aussi un espace pour se libérer des étiquettes qu’on leur a collées. Il ne mange pas de légumes avec vous ? Vous allez voir qu’avec grand-mère les haricots du jardin passent tout seuls ! Il a peur des chiens ? Mais pas du tout : il adore celui du voisin ! Il va aussi se sentir important, car il devrait être au centre de l’intérêt de ses grands-parents pendant ces quelques jours. Alors qu’à la maison, toute l’année, les parents n’ont pas forcément l’envie ou l’énergie de jouer des heures avec lui. Enfin, si vous en avez la possibilité, favorisez la rencontre interindividuelle. Cela fait du bien aux fratries d’être séparées quelques jours, et cela permet aux grands-parents de vraiment connaître ce petit enfant-là. Ils recevront son petit frère aux prochaines vacances !
Et pour les colos, camps scouts ou autres camps de vacances, comment les préparer ?
Cela dépend de leur âge et de leur personnalité. J’ai deux conseils généraux. Le premier : faites sa valise ensemble. Il saura une fois sur place ce qui se trouve dedans ! Et, surtout, cela vous permettra d’aborder pas mal de sujets afin qu’il ne soit pas désorienté sur place. S’il souffre d’énurésie ponctuelle, demandez-lui par exemple ce qu’il prévoit en cas de petit accident. Si cette hypothèse l’angoisse, proposez-lui d’en parler au préalable avec son responsable. Au moins, il saura que ce sujet est balisé. Second conseil pour les plus jeunes : expliquez-lui le déroulement du séjour. Demandez-lui comment il réagira dans telle ou telle situation. « Si tu as trop de chagrin parce que je te manque trop ; si un grand t’embête ; si tu as mal au ventre, que vas-tu faire ? » Voyez avec lui les différentes possibilités. De votre côté, profitez bien des vacances de vos enfants pour vous ressourcer, roucouler avec votre homme et vous faire plaisir !
* Auteure d’une dizaine d’ouvrages, dont « Il n’y a pas de parent parfait », « Le Défi des mères… » et « Au cœur des émotions de l’enfant ».
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