Psycho
Ils seraient environ 200 000 enfants en France, entre 6 et 16 ans, à avoir un quotient intellectuel supérieur à 130, donc considérés comme intellectuellement précoces. Un tiers d’entre eux serait en échec scolaire, alors que les deux autres tiers s’en sortent bien. Ces derniers suivent avec excellence leur scolarité et intègrent avec facilité les meilleures écoles. Ce sont néanmoins des enfants, puis des adolescents qu’il faut suivre de près. Rencontre avec le Pr Sylvie Tordjman.
Qu’est-ce que la précocité intellectuelle ?
Un enfant intellectuellement précoce est un enfant qui a un rythme de développement intellectuel supérieur à celui des enfants de son âge. Il peut en effet réaliser des performances d’enfants qui ont deux, trois, quatre ans de plus que lui. Il comprend et progresse plus rapidement que les autres. C’est une chance pour certains, mais un problème pour d’autres, qui vivent cette différence comme un handicap. En revanche, son évolution émotionnelle, affective et relationnelle correspond généralement à son âge.
Comment la détecte-t-on chez l’enfant ?
Le premier problème lié à ce sujet, c’est le dépistage. Comment imaginer que notre enfant puisse être précoce alors qu’il est turbulent à l’école, agressif avec ses camarades et insolent avec l’institutrice ? Les parents ne comprennent donc pas forcément le malaise de leur enfant. Et les enseignants encore moins, car ils peuvent présenter des troubles du comportement, être asociaux, voire même en échec scolaire.Des troubles incompatibles avec l’image qu’on se fait des surdoués !
Quels sont les premiers symptômes de cette précocité intellectuelle ?
La plupart des signes d’alerte se révèlent à l’école, souvent dès la maternelle ou le primaire. À la maison, les parents repèrent souvent une hypersensibilité, car ce sont des enfants qui posent des questions surprenantes pour leur âge et qui s’intéressent au monde des adultes. Mais cela peut bien se passer, surtout si les parents répondent un minimum à la boulimie intellectuelle de leur enfant.
À l’école, en revanche, l’enfant intellectuellement précoce est souvent dans la lune. Il s’ennuie vite, car il a compris la première fois ce que les autres comprennent au bout de plusieurs explications. Et qui dit ennui dit… deux possibilités. Soit l’enfant décide que, pour sa tranquillité, il ne doit rien laisser transparaître – il s’ampute, en quelque sorte, de sa « surdouance» – et il s’empêche alors d’exploiter son potentiel intellectuel, qu’il peut même aller jusqu’à renier. Soit, face à l’ennui, il essaie de se distraire. Il va alors chahuter, discuter avec les copains, répondre aux enseignants, chercher l’affrontement, entrer en rivalité sur le plan intellectuel, etc. Pour ces différentes raisons, l’enfant précoce n’aime pas vraiment l’école et a peu d’amis. Il est souvent agressif avec ses camarades, très susceptible quant aux reproches des autres et supporte mal ses propres échecs. Il n’accepte pas l’autorité de son professeur, sauf s’il l’admire.
Dans son travail scolaire, il refuse d’appliquer des règles qu’il juge inutiles (souligner les titres en rouge, par exemple) et, victime du syndrome de dyssynchronie, il a souvent une écriture de mauvaise qualité. L’enfant subit en effet un décalage entre son intelligence et sa psychomotricité. Sa main est souvent incapable de suivre le rythme de sa pensée, ce qui lui pose un gros problème à l’école : il a les bonnes réponses, mais ne parvient pas à les écrire ! La dyssynchronie entre intelligence et affectivité est encore plus surprenante. D’un côté, les enfants élaborent des raisonnements brillants, mais, de l’autre, ils ne savent pas gérer leurs émotions, se laissant submerger par des angoisses nocturnes, causes d’insomnies, et réclament plus de câlins qu’un bébé. Ils sont de fait très souvent jugés immatures, ce qui paraît encore une fois en contradiction avec l’image que l’on se fait de la précocité et qui peut donc entraver son repérage.
Que faire lorsqu’on a des doutes sur la précocité de son enfant ?
La seule manière de diagnostiquer avec certitude une précocité intellectuelle est de tester le quotient intellectuel (QI) de l’enfant. Cette évaluation peut se dérouler en milieu hospitalier, à la demande par exemple du psychologue scolaire, ou alors dans le cabinet privé d’un psychologue. Le WISC et les tests analogues permettent d’estimer son QI en confrontant ses résultats aux performances des personnes de son âge. La moyenne est fixée à 100 et l’écart type à 15. On qualifie de « précoces » ceux qui ont un QI avec deux écarts types au-dessus de la moyenne, soit un QI égal ou supérieur à 130.
Vous dites que ces enfants sont parfois fragilisés par leur différence. Quelle prise en charge leur proposer ?
Depuis le rapport Delaubier, en 2002, les choses commencent à bouger. Le rapport propose entre autres une réforme des cycles du collège, qui permet par exemple de faire en deux cycles ce qui habituellement se fait en trois. L’objectif du regroupement ne serait pas de créer des classes élitistes, mais que l’enfant ne soit plus isolé et qu’il se sente moins différent. Aujourd’hui, il existe une petite centaine de collèges privés et trois collèges publics en France qui proposent à ces enfants des programmes pédagogiques adaptés.
Contacts utiles
ANPEIP (Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces)
AFEP (Association française pour les enfants précoces)
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